Nombre transcendant
En mathématiques, un nombre transcendant sur les rationnels est un nombre réel ou complexe qui n'est racine d'aucune équation polynomiale ...
En mathématiques, un nombre transcendant sur les rationnels est un nombre réel ou complexe qui n'est racine d'aucune équation polynomiale :
où et les cœfficients
sont des nombres entiers (donc des rationnels), dont au moins l'un an est non nul. Un nombre réel ou complexe est par conséquent transcendant si et uniquement s'il n'est pas algébrique.
Les nombres transcendants ne sont par conséquent jamais rationnels. Néanmoins, l'ensemble des nombres irrationnels ne sont pas transcendants : la racine carrée de 2 est irrationnelle, mais est une solution de l'équation polynomiale .
La totalité de l'ensemble des nombres transcendants est non dénombrable. La démonstration est simple : puisque les polynômes à cœfficients entiers sont dénombrables, et puisque chacun de ces polynômes possède un nombre fini de zéros, la totalité des nombres algébriques est dénombrable. Mais l'argument de la diagonale de Cantor établit que les nombres réels (et donc les nombres complexes aussi) sont non dénombrables, par conséquent la totalité de l'ensemble des nombres transcendants doit être non dénombrable. En d'autres termes, il y a bien plus de nombres transcendants que de nombres algébriques. Néanmoins, seules peu de classes de nombres transcendants sont connues et prouver qu'un nombre donné est transcendant peut être extrêmement complexe.
Résultats : considérons la totalité A des nombres algébriques réels. Alors :
- A est un sous-corps de
. Surtout, A est stable par addition et multiplication.
- A est dénombrable, ce qui montre que A est différent de la totalité
(les nombres transcendants existent bien).
Histoire
Leibniz fut certainement la première personne à croire en l'existence des nombres qui ne satisfont pas les polynômes à cœfficients rationnels. Le nom «transcendant» vient de Leibniz dans sa publication de 1682 où il démontra que sin (x) n'est pas une fonction algébrique de x. L'existence des nombres transcendants fut prouvée pour la première fois en 1844 par Joseph Liouville, qui montra des exemples, incluant la constante de Liouville :
dans laquelle le n-ième chiffre après la virgule est 1 si n est une factorielle (l'un des nombres 1, 2, 6, 24, 120, 720, etc. ) et 0 sinon ; ce nombre est spécifiquement bien approché par les nombres rationnels. Joseph Liouville montra que les nombres ayant cette propriété (que nous nommons désormais nombres de Liouville) sont tous transcendants ; on trouvera cette démonstration à l'article consacré à ces nombres.
Johann Heinrich Lambert, dans son article prouvant l'irrationalité de conjectura que
et
étaient des nombres transcendants. Le premier nombre à avoir été démontré transcendant sans avoir été construit particulièrement pour cela fut e, par Charles Hermite en 1873. En 1874, Georg Cantor trouva l'argument décrit ci-dessus établissant l'ubiquité des nombres transcendants.
En 1882, Ferdinand von Lindemann publia une démonstration de la transcendance de . Il montra en premier lieu que e à n'importe quelle puissance algébrique non nulle est transcendant, et puisque
est algébrique (voir identité d'Euler),
et donc
doit être transcendant. Cette approche fut généralisée par Karl Weierstrass avec le théorème de Lindemann-Weierstrass. La transcendance de
a permis la démonstration de l'impossibilité de résoudre plusieurs problèmes anciens de construction géométrique avec le compas et la règle, incluant le plus célèbre d'entre eux, la quadrature du cercle.
En 1900, David Hilbert a posé une importante question à propos des nombres transcendants, connue sous le nom de septième problème de Hilbert : «Si a est un nombre algébrique non nul et différent de 1 et si b est un nombre algébrique irrationnel, alors le nombre est-il obligatoirement transcendant ?» La réponse, affirmative, fut donnée en 1934 par le théorème de Gelfond-Schneider. On peut obtenir aisément des nombres transcendants grâce à lui, par exemple
.
Ce travail fut étendu par Alan Baker dans les années 1960.
Quelques nombres transcendants connus
- Par le théorème d'Hermite-Lindemann,
- le nombre e (base des logarithmes néperiens), et d'une façon plus générale
- les nombres ea pour tout nombre a algébrique non nul ;
- le nombre sin (1), et d'une façon plus générale
- les nombres cos (a) et sin (a), pour tout nombre a algébrique non nul.
- Par la contraposée de ce même théorème,
- Le nombre
(voir l'article pi),
- les nombres log (a) si a est un réel algébrique strictement positif et différent de 1.
- Le nombre
- Par le théorème de Gelfond-Schneider,
- le nombre
(constante de Gelfond-Schneider),
- le nombre réel
(constante de Gelfond),
- le nombre réel
(racine carrée de l'inverse du précédent),
- d'une façon plus générale les nombres ab où a est un nombre algébrique différent de 0 et de 1 et où b est algébrique mais non rationnel.
- le nombre
- Par la contraposée de ce même théorème,
- des nombres tels que log (3) /log (2).
- Des nombres tels que xlog (2) +ylog (3) +zlog (5) avec x, y, z algébriques non tous nuls (voir le théorème de Baker).
,
et
, où Γ est la fonction gamma d'Euler.
- Le nombre de Champernowne 0, 12345678910111213… obtenu en écrivant à la suite les entiers naturels en base dix (théorème de Mahler, 1961)
est la partie entière de
. A titre d'exemple, si
, ce nombre est 0, 11010001000000010000000000000001000…
, constante de Chaitin, et d'une façon plus générale : chaque nombre non-calculable est transcendant (puisque l'ensemble des nombres algébriques sont calculables).
- constante de Prouhet-Thue-Morse
Toute fonction algébrique non constante à une variable donne une valeur transcendante quand on lui applique une valeur transcendante. Donc, par exemple, en sachant que
est transcendant, nous pouvons immédiatement déduire que
,
,
et
sont aussi transcendants.
Néanmoins, une fonction algébrique à plusieurs variables peut donner un nombre algébrique quand elle est appliquée aux nombres transcendants si ces nombres ne sont pas algébriquement indépendants. A titre d'exemple,
et
sont l'ensemble des deux transcendants, mais
ne l'est bien entendu pas. On ignore si
, par exemple est transcendant, mais au moins l'un des deux nombres
et
doit être transcendant. D'une façon plus générale, pour deux nombres transcendants a et b, au moins l'un de a+b et ab doit être transcendant. Pour voir cela, considérons le polynôme
; si (a+b) et a b étaient tous deux algébriques, alors ce polynôme serait à cœfficients algébriques. Comme les nombres algébriques forment un corps algébriquement clos, ceci impliquerait que les racines du polynôme, a et b soient algébriques. Mais ceci est une contradiction et ainsi, au moins un des deux cœfficients est transcendant.
Problèmes ouverts
Les nombres dont on ignore s'ils sont transcendants ou non incluent :
,
,
,
,
,
,
- La constante d'Euler-Mascheroni
(dont on ignore même si elle est irrationnelle)
- La constante de Catalan (dont on ignore aussi si elle est irrationnelle)
- La constante d'Apéry
(dont on sait qu'elle est irrationnelle)
Tous les nombres de Liouville sont transcendants, néanmoins les nombres transcendants ne sont pas tous des nombres de Liouville. Tout nombre de Liouville doit avoir des termes non bornés dans son développement en fraction continue, par conséquent en utilisant un argument de dénombrement, on peut montrer qu'il existe des nombres transcendants qui ne sont pas des nombres de Liouville. En utilisant le développement explicite en fraction continue de e, on peut montrer que e n'est pas un nombre de Liouville. Kurt Mahler montra en 1953 que
n'est pas non plus un nombre de Liouville. Il a été conjecturé que l'ensemble des fractions continues à termes bornés qui ne sont pas périodiques à partir d'un certain rang sont transcendantes (les fractions continues périodiques à partir d'un certain rang correspondent aux irrationnels quadratiques).
La généralisation du septième problème de Hilbert qui serait de caractériser les transcendants parmi l'ensemble des nombres
quand
et
est algébrique, reste non résolue. On sait que si
est rationnel alors
est algébrique, et (d'après le théorème de Gelfond-Schneider mentionné plus haut) que si
est algébrique irrationnel alors
est transcendant, mais qu'en est-il si
est transcendant ? (Il peut arriver que
soit algébrique, comme dans l'exemple
,
. )
Esquisse de démonstration de la transcendance de e
La première démonstration que e est transcendant date de 1873. Nous suivrons désormais la stratégie de David Hilbert (1862 - 1943) qui donna une simplification de la démonstration originale de Charles Hermite. L'idée est la suivante :
Supposons, dans l'objectif de trouver une contradiction, que e est algébrique. Alors, il existe un ensemble fini de cœfficients entiers
satisfaisant l'équation :
et c0 et cn sont tous deux différents de zéro.
Dépendant de la valeur de n, nous précisons un entier positif suffisamment grand k (pour nos besoin ultérieurs) et multiplions les deux côtés de l'équation ci-dessus par
, où la notation
sera utilisé dans cette démonstration comme abréviation de l'intégrale :
.
Nous arrivons à l'équation :
qui peut désormais être écrite sous la forme
où
Le plan d'attaque désormais est de montrer que pour un k suffisamment grand, les relations ci-dessus sont impossible à satisfaire parce que
est un entier différent de zéro et
ne l'est pas.
Le fait que
soit un entier différent de zéro résulte de la relation
qui est valide pour tout entier positif j et peut être prouvé par récurrence au moyen d'une intégration par parties.
Pour montrer que
pour un k suffisamment grand
nous noterons en premier lieu que
est le produit des fonctions
et
. En utilisant la limite supérieure pour
et
sur l'intervalle [0, n] et en employant le fait que
pour chaque nombre réel G
est alors suffisant pour achever la démonstration.
Une stratégie identique, différente de l'approche originale de Lindemann, est parfois utilisée pour montrer que le nombre
est transcendant. En outre, la fonction gamma, certaines estimations pour e et des faits à propos des polynômes symétriques jouent un rôle vital dans la démonstration.
Pour des informations détaillées concernant les démonstrations de transcendances de
et
, voir les références et les liens externes.
Voir aussi
- théorie de la transcendance, l'étude des questions relatives aux nombres transcendants
Références
- (de) David Hilbert, «Über die Transcendenz der Zahlen e und π», Mathematische Annalen 43 :216–219 (1893).
- (en) Alan Baker, Transcendental Number Theory, Cambridge University Press, 1975 (ISBN 0-521-39791-X) .
Liens externes
- (fr) Article du 13 mai 1844 de Liouville sur les nombres transcendants (avec une analyse de M. Mendès-France, mathématicien) (site BibNum)
- (fr) Démonstration d'Hermite de la transcendance de e (1873), présentée et analysée sur le site BibNum.
- (en) Démonstration que e est transcendant
- [pdf] (de) Démonstration que e est transcendant
- [pdf] (de) Démonstration que π est transcendant
- [pdf] (fr) Démonstration de la transcendance d'e et π
- [pdf] (fr) Démonstration de la transcendance d'e et π
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